La contestation prend de l’ampleur contre les permis d’exploration de gaz de schiste, accordés dans le Sud de la France. Mi-décembre, le député européen José Bové a demandé un gel des prospections sous le plateau du Larzac et dans les autres départements concernés. Le 20 décembre, trois cent personnes ont décidé de constituer un « comité de vigilance », lors d’une réunion à Saint-Jean-du-Bruel (Aveyron). Elles ont demandé aux communes impliquées de prendre des arrêtés municipaux – similaires aux arrêtés anti-OGM – pour empêcher les forages. Le 3 janvier, le conseil municipal de Sainte-Eulalie-de-Cernon (Aveyron) a voté à l’unanimité une demande de moratoire.
Les permis d’exploration ont été délivrés – dans l’indifférence quasi-générale – en mars dernier par le ministère de l’Environnement. Le « permis de Nant » (Aveyron), attribué au groupe américain Schuepbach Energy, allié avec GDF-Suez, autorise pour 3 ans des forages sur une zone de 4.400 km² dans la région. Le groupe Total a obtenu un permis de prospection de 5 ans sur une surface équivalente, du sud de Valence au nord de Montpellier, en passant par le Parc national des Cévennes, et le groupe suisse Mouvoil un permis autour d’Alès (Gard). Total a déjà annoncé son intention d’investir 37,8 millions d’euros dans ce projet.
Les opposants demandent un débat public sur ces projets. « La ruée des firmes gazières sur les Cévennes et le Larzac laisse présager un nouveau combat fondamental pour la sauvegarde de nos ressources naturelles », a déclaré José Bové. Les élus de Sainte-Eulalie-de-Cernon estiment que l’exploitation des gaz de schiste constituerait une destruction programmée du territoire. Les gisements convoités sont situés au cœur des ressources d’eau potable du Larzac. Les méthodes d’extraction très polluantes du gaz de schiste, par fragmentation hydraulique, nécessitent de multiples forages, parfois très près des habitations, et de grandes quantités d’eau. Outre le risque d’explosions près des habitations, cette exploitation peut entraîner des déversements toxiques de produits chimiques et une contamination des eaux souterraines.
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JOSE BOSE et le gaz de shiste
Alors qu’il existe des filières plus prometteuses, le gouvernement du Québec a fait le choix de lancer le vaste chantier économique de l’exploitation des gaz de schistes dans la vallée du Saint-Laurent. Près de 600 permis d’exploration ont déjà été octroyés et d’autres seraient bientôt accordés à des compagnies étrangères et canadiennes pour forer dans les terres agricoles du Québec.
Le processus n’a rien de démocratique. Les municipalités sont privées de décision quant à l’aménagement de leur territoire: les projets sont imposés. Dans les meilleurs cas, les citoyens sont informés de l’imminence d’un chantier; quand la nouvelle leur parvient, il trop tard pour réagir. Lois et règlements empêchent tout processus de démocratie participative et représentative. Le Québec, terre d’Avatar?
Les contrats de location des terrains de forage ont été signés en catimini entre des propriétaires privés et les entreprises d’exploitation, alors qu’il ne s’agit certes pas d’une affaire privée mais bien d’une affaire publique par excellence, qui concerne toute une communauté, une municipalité, une région, les citoyens de la province entière. À l’instar de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), les MRC de six régions ont bien compris l’ampleur de la problématique et ont demandé un moratoire sur la mise en oeuvre des chantiers. Les avez-vous entendus?
Tourner la page
Le choix de développer la filière des gaz de schistes n’a rien à voir avec ce «développement durable» dont le gouvernement du Québec se dit si fier. Cela est inacceptable dans un contexte d’«après-Copenhague» où la communauté internationale (outre certains dinosaures avides et récalcitrants) se mobilise pour réduire la production de gaz à effet de serre.
Monsieur le Premier Ministre Jean Charest, vous vous êtes montré dans les médias comme une figure de proue de la réduction des émissions de tels gaz. Comment pouvez-vous alors justifier le choix de la filière des gaz de schistes, en cette époque où l’on doit se tourner vers l’alternative énergétique? L’époque de la pétroculture, celle des hydrocarbures, est révolue. Il faut tourner la page, de manière responsable. Certes, faisant fi des problèmes liés à son exploration et à son exploitation, les compagnies gazières argumentent que le gaz naturel est moins polluant que le mazout, qu’il permettra une économie d’importation et fournira une ressource exportable. Ces raisons permettent d’endormir «au gaz» une population «rassurée» par des promesses de prospérité à court et moyen termes et de fausses garanties d’un certain «développement durable». Simplistes, celles-ci ne résistent pas à l’analyse globale.
Effets négatifs
On connaît les problèmes socio-écologiques et les risques soulevés par l’exploitation gazière: l’usage et la pollution (métaux lourds, produits chimiques) d’une quantité faramineuse d’eau prélevée dans les cours d’eau avoisinants, ou possiblement à même les aqueducs municipaux, l’utilisation des usines d’assainissement des eaux non conçues à cet effet, la pollution de l’air, la dégradation des paysages, la possibilité d’odeurs soufrées et de contamination liée aux émanations (le sulfure d’hydrogène peut être mortel), le bruit (forage, camionnage, combustion du gaz à l’air libre), le risque d’explosion, la dévaluation des propriétés et la perte de qualité de vie des résidants sacrifiée sur l’autel d’un «développement économique» qui profitera d’abord aux compagnies étrangères et canadiennes, plutôt qu’à la société québécoise.
Aux États-Unis, dans l’État de New York, l’expérience négative a mené entre autres à la cessation des opérations dans une partie de son territoire de l’une des plus grandes compagnies d’extraction de gaz de schistes, Chesapeake (http://www.nytimes.com/2009/10/28/business/energy-environment/28drill.html?_r=1).
Mais au-delà de ces inquiétudes locales et régionales se pose de façon aiguë la question des choix énergétiques au Québec, dans un projet de développement économique «durable». Rien de durable ici: la plupart des puits ont une durée de vie limitée (tous seront épuisés à plus long terme), l’environnement sera dégradé, la sécurité et la santé des populations seront mises à risque, les emplois créés seront temporaires et généralement offerts à une main-d’oeuvre spécialisée qui n’est pas locale. Et quant à la dimension économique de cette filière gazière, on est en droit de se demander: à qui profitera tout cela?
Pourquoi allouer quatre millions de dollars et geler les redevances pour cinq ans sans réglementation adéquate, et surtout sans aucune consultation du public, voire des municipalités et MRC concernées? Pourquoi soutenir un usage industriel qui risque d’entrer en conflit avec l’agriculture et avec la nécessité de réduire les gaz à effet de serre? Pourquoi soutenir un développement énergétique qui va à l’encontre des objectifs de plusieurs politiques et programmes qui, eux, ont fait l’objet de consultations publiques?
Géothermie
Les innovations et l’énergie verte sont importantes pour le Québec: les filières et réseaux de production et de distribution alternatives sont connus; les modes d’utilisation responsable également. Le gouvernement s’est déjà engagé — de façon encore trop timide — dans certaines de ces filières. Un développement responsable de l’énergie implique que certaines avenues soient rejetées pour favoriser l’émergence de celles qui sont les plus «durables». Non durable, la filière du gaz de schistes doit être délaissée au profit par exemple d’une intensification du soutien à la géothermie (bien au-delà de l’usage domestique), combinée à un ensemble d’autres stratégies «vertes» comme celle des biogaz, une forme de gaz naturel qui règle des problèmes environnementaux plutôt que d’en poser.
Jumelées entre autres à la serriculture (dans une perspective de souveraineté alimentaire), à l’efficacité énergétique et à une production d’énergie gérée par les communauté locales, ce sont les énergies vertes qu’il faut privilégier, à l’instar de plusieurs pays européens nordiques qui en ont montré la viabilité. Investissons plutôt dans le développement de filières alternatives: elles sont diverses et prometteuses. Nous pourrions être novateurs, comme on sait si bien le faire dans d’autres domaines au Québec. Qu’attendons-nous pour devenir un pays modèle et d’avant-garde? Pourquoi vendre le Québec aux colonisateurs économiques?
La planète s’échauffe et se met en tempêtes. L’exploitation des gaz de schistes fait reculer les objectifs du Québec en matière de développement durable. Les citoyens informés l’ont déjà compris et s’en inquiètent vivement. Un mouvement de résistance s’est amorcé. Comme dans le cas des porcheries industrielles, du projet de centrale au gaz du Suroît ou de la mine d’uranium à Sept-Îles... On observe le même scénario, la même dynamique malsaine d’un certain pouvoir politico-économique. Voilà un trop lourd fardeau sur le dos des citoyens pour contrer les dérives de décideurs si mal éclairés.
Gaz de shiste - PETITION A SIGNER !
Signez la pétition: http://bit.ly/aqhmH5
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