vendredi 17 septembre 2010

"150 petites expériences de psychologie des médias"



150 petites expériences de psychologie des médias est un livre pour mieux comprendre comment on vous manipule.
Pourquoi zappons-nous en permanence devant notre télévision ?
Pourquoi lisons-nous la presse people ?
Pourquoi aime-t-on manger des chips en regardant un film d'angoisse ?
Pourquoi a-t-on peur de voir déferler la grippe aviaire lorsqu'on a regardé les informations ? Pourquoi retient-on plus facilement les publicités pour les grandes marques ?
Pourquoi ne supportez-vous pas que le journaliste coupe la parole à son invité ?
Tous les domaines de notre vie sont influencés par les médias : consommation, opinions politiques, croyances sur les risques biologiques ou la criminalité, le réchauffement climatique, etc.
Comment arriver à conserver son esprit critique et son libre arbitre dans un monde où l'on reçoit toujours un message cherchant à nous convaincre de quelque chose ?
Ce livre, en retraçant 150 expériences effectuées en laboratoire ou en conditions réelles, détaille les méthodes utilisées par la presse ou le petit écran pour façonner nos goûts, nos préférences, nos haines ou nos envies.
Une manipulation de masse, à la portée de chacun. Un livre salutaire... pour être moins dupe du discours médiatique !

Biographie de l'auteur

Sébastien Bohler : Docteur en neurobiologie, il est journaliste au magazine Cerveau et Psycho et chroniqueur à l'émission d'analyse des médias Arrêt sur images, anciennement sur France 5 et maintenant sur le site Internet arretsurimages.net.

Extrait :

"Aujourd’hui, un Français passe en moyenne trois heures par jour devant sa télévision. Il entend la radio murmurer en permanence pendant son petit-déjeuner ou à sa pause de midi, ouvre le journal du soir en se posant dans le fauteuil du salon, lorsqu’il ne surfe pas sur Internet. En un mot, nous sommes gavés d’informations.

Sans doute cette situation ne s’est-elle jamais produite dans toute l’histoire de l’humanité. Prenez le cas d’un indi- vidu quelconque placé devant son poste de télévision lors des informations de 20 heures.
Successivement, il appren- dra la mort d’un enfant dans l’incendie d’une maison du Doubs, l’explosion d’une bombe à Bali, l’ouverture d’une clinique psychiatrique pour chiens dans un hôpital de Floride, l’échec de négociations israélo-palestiniennes, le résultat d’un match entre un club de football italien et un club de football français, le nouveau disque enregistré par une actrice à la mode, et les progrès de la médecine dans le traitement d’une maladie héréditaire.

Que dire de ce regard ?
Qu’il est périphérique. Il est comme omniscient. La télévision nous transporte dans n’importe quel coin du monde et collecte en quelques instants des données que jamais, en une vie consacrée à parcourir la surface du globe, nous ne pourrions rassembler par nos propres moyens. Et elle fait cela 24 heures sur 24.
Mais en même temps, ce regard n’est pas un regard déli- béré, choisi ou maîtrisé. Nous ne le tournons pas là où nous le voulons, il nous est imposé par les caméras. C’est en outre un regard déformé car les reportages accordent plus d’importance à certains thèmes qu’à d’autres, en fonction de modes, de disponibilité de l’information, de concertations dans les rédactions, de contrats publicitaires.

Crédulité, angoisse et paranoïa
Face à ce spectacle permanent et sur-rythmé, nous sommes modifiés de l’intérieur. D’abord, par unetotale crédulité.
Des expériences ont montré que lorsque l’information devient trop rapide, le cerveau humain tend à la considérer de plus en plus comme vraie, sans se poser la question de sa validité. Les médias surchargent notre cerveau d’informations, si bien que nous ne pouvons plus les remettre en question.
Ensuite, nous nous construisons du monde une image fantasmatique. Les psychologues ont appelé ce phénomène « syndrome du grand méchant monde » : comme les informations montrent en priorité les meurtres, les viols, les accidents, les guerres, les incendies, les attentats, les catastrophes naturelles, les grèves, les émeutes, il en résulte une représentation du monde plus noire que la réalité. Autre conclusion des recherches en psychologie : plus un citoyen fait une forte consommation de médias, plus il noircit son monde, acquérant la conviction que la Terre est un endroit fondamentalement dangereux.
Mais le phénomène est global. Les biais de perceptions, les distorsions et les illusions se multiplient, faisant de la scène médiatique une forme de rêve éveillé. Face à certaines informations, nous développons ainsi de fausses croyances. Celle que la grippe aviaire va bientôt éclater dans nos villes, par exemple lorsque nous avons vu trop de poulets incinérés aux images du 20 heures. Les mécanismes de ces amplifications de croyances sont aujourd’hui 150 petites expériences de psychologie des médias élucidés. Grâce en soit rendue à la psychologie, cette science concrète en progression.

Quand la télé s’éteint, le cerveau s’allume
Pourquoi, dans ce cas, consultons-nous les médias ? Il se peut que nous en soyons dépendants. Que cette forme de discours trop rapide finisse par suractiver le système nerveux, lequel aurait alors besoin d’une dose régulière d’images et de sons compressés pour se sentir à l’aise.
C’est effectivement ce que suggèrent d’autres expériences. Mais il y a plus inquiétant : on sait que les personnes les plus grosses consommatrices de télévision se plantent devant leur poste pour ne pas penser à toutes les choses réelles qu’elles auraient à faire (régler une facture, laver la vaisselle, téléphoner à un ami, etc.).
La question peut se poser : les médias remplacent-ils la pensée ?

D’un point de vue cognitif, cette question est légitime :
lorsque nous nous livrons à des activités autonomes, notre cerveau suscite des images qui se succèdent selon un scénario qui nous est propre, destiné à résoudre un problème.
Par exemple, si je me demande comment je vais organiser la soirée d’anniversaire de mon meilleur ami, mon cerveau fabrique des images qui vont servir à planifier l’action. Il va imaginer la séance de courses et les produits à acheter, le temps mis pour rentrer à la maison, le nom des personnes à contacter, la décoration du salon, etc. Cette activité projective, nommée simulation mentale, structure chacune de nos
actions, et repose sur la sécrétion d’images mentales par le cerveau.
Or, lorsque nous regardons la télévision, les images mentales ne sont pas fabriquées par le cerveau. Elles sont proposées par un dispositif électronique et délivrées à grande échelle. Nous ne participons pas à leur élaboration. Nous ne faisons pas œuvre d’imagination. En outre, toutes ces images mentales sont les mêmes pour des millions de personnes. Notre être imaginal se dissout donc dans une passivité indifférenciée.
La lecture de la presse écrite est moins sujette à ces dérives car le cerveau crée des images mentales à partir de mots.
Quant à la radio, elle se situe à mi-chemin : le cerveau peut toujours susciter des images mentales à partir des mots entendus, mais ne peut pas choisir le rythme de production de ces images, qui est dicté par le rythme de l’élocution et par la programmation radiophonique.
C’est peut-être la raison pour laquelle Internet se développe actuellement si rapidement. Le modèle d’un média centralisé qui diffuse l’information pendant que les masses la reçoivent passivement pourrait avoir fait son temps. Les blogs, forums de discussion, émissions sur Internet, attirent
de plus en plus de personnes désireuses d’une information moins passive, plus participative.
Ce qu’il faut garder à l’esprit en abordant ce chapitre, c’est que la représentation de notre monde par la lucarne du poste de télévision, du transistor ou des titres de journaux est une construction humaine. Non pas une pièce de théâtre écrite à l’avance, mais un discours permanent et fluctuant sur le monde, empreint de peurs, d’angoisses et de névroses. Si ce discours était prononcé par un individu dans
notre salon, ce serait un discours à la fois décousu, très affirmatif, hyperactif, angoissant et considéré comme vrai par un maximum de personnes. De quoi se demander si nous serions prêts à accepter un tel interlocuteur dans notre vie quotidienne, et si oui, quel serait le meilleur moyen de restituer ses propos à leur bonne place."

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