Par Chamizam pour Medialma, le lundi 29 septembre 2008
La France a peur. Alors que le reste du monde s’interroge à voix haute sur les diverses anomalies du 11-Septembre, les élites politiques et médiatiques de l’Hexagone oscillent entre censure et auto-censure. L’Elysée vient d’encourager cette funeste tendance : Nicolas Sarkozy a fait savoir qu’il déplorait tout débat public sur la question. L’exploration du 11-Septembre est ainsi consacrée par la caste politico-médiatique comme le nouveau tabou idéologique en France. Retour sur la genèse d’un scandale.
Voici un entrefilet extrait du Canard Enchaîné, daté du 24 septembre et susceptible de faire bondir tout citoyen encore attaché à la liberté de pensée et d’expression :
"Mercredi 24 et jeudi 25, Bertrand Coq et Grégoire Deniau, respectivement rédacteur en chef et patron de l’info de France 24, sont convoqués à un entretien préalable avant limogeage. Mis sèchement à pied la semaine dernière par leur pédégé Alain de Pouzilhac, aliais Poupou, ils vont enfin savoir pourquoi ils sont virés. Le premier le serait pour incompatibilité d’humeur. Le second à cause d’un débat organisé sur le 11 septembre, pour rebondir sur l’affaire Bigard, le grand pote de Sarko. Il s’agissait d’expliquer pourquoi tant de zozos sur la planète continuent de nier la réalité des attentats. Le crime de Grégoire Deniau : avoir maintenu ce direct alors que son annulation avait été demandée à peine trois heures plus tôt par le directeur de la chaîne, Gérard Saint-Paul, qui ne voulait pas en entendre parler. Sûrement une coïncidence : Poupou a lâché depuis, à quelques collaborateurs, que l’Elysée n’avait guère apprécié l’organisation de ce débat télé. Parce que Bigard n’avait pas été invité?"
Deux informations à retenir :
- Le Canard Enchaîné qualifie de "zozos" et de "négationnistes entêtés" les millions de sceptiques, à travers le monde, qui doutent de la version officielle des attentats.
- Nicolas Sarkozy a fait connaître son mécontentement envers la tenue d’un débat audiovisuel consacré au 11-Septembre.
Deux informations essentielles : la première suggère l’étendue de la faillite du journalisme d’investigation à la française tandis que la seconde révèle la volonté du pouvoir politique d’occulter tout remise en cause d’un événement géopolitique fondateur.
Quand l’Elysée instaure un nouveau délit d’opinion
Dans un pays avec une tradition démocratique authentique et une presse déliée, la nouvelle du Canard aurait fait scandale : le chef de l’Etat a désapprouvé la discussion publique entre citoyens, sur une chaîne de télévision, au sujet des zones d’ombre du 11-Septembre. Pourtant, aucune réaction parmi les éditorialistes ne s’est produite : indifférence et accomodements à l’égard du pouvoir pour ce qui constitue pourtant une intention de brider la parole, une censure a posteriori. La propension de Nicolas Sarkozy à s’occuper de la programmation des chaînes est de notoriété publique : cependant, c’est sans doute la première fois, depuis qu’il est parvenu au pouvoir, qu’il ait fait ainsi connaître son hostilité envers le thème d’une émission.
Quel fut le grief incriminé? Un véritable débat contradictoire, ample et approfondi, sur les diverses thèses au sujet du 11-Septembre, en prime time, sur France 2 ? Absolument pas. L’objet du courroux présidentiel concerne une vague discussion, bancale, malhonnête dans son organisation et diffusée en catimini sur France 24. Pas de quoi provoquer une profusion internationale de vocations de "conspirationniste-délirant-antisémite". Et pourtant….Stupeur et tremblements dans la chaîne de commandement de France 24 : Alain de Pouzilhac, Pdg de la chaîne info trilingue, vire illico presto Grégoire Deniau, ex-directeur de la rédaction, doublement coupable d’avoir laissé passer le sujet et de s’être ensuite défaussé sur ses collaborateurs. Le "mal" est fait : selon Poupou, des téléspectateurs se seraient plaints, ainsi qu’une partie de la rédaction de France 24, pour avoir autorisé la diffusion du débat, pourtant médiocre, grossièrement à charge et stupidement intitulé "le mythe du complot" (comme si la version officielle n’était pas, en elle-même, une autre "théorie de la conspiration"). Seule ombre -lumineuse- au tableau : pendant cette caricature d’un débat expédié en une demi-heure, un intervenant, le journaliste américain Eric Margolis, a laissé entendre qu’il avait été intrigué par la faiblesse des dégradations du Pentagone, au lendemain de l’attaque prétendue d’un Boeing… Un ange (démoniaque) passe sur le plateau.
Dans cette sinistre affaire, le double message de l’Elysée est le suivant : la France reste alignée sur les Etats-Unis, y compris dans sa narration mythologique du 11-Septembre, bien commode pour justifier la présence militaire française en Afghanistan; quiconque s’aventurera à débattre du sujet risquera sa mise au ban de la communauté journalistique parisienne par le rejet de ses propres confrères et l’opprobre du président de la République himself. Rompez !
La réaction de Nicolas Sarkozy risque, au passage, de donner du grain à moudre à ceux, comme Thierry Meyssan, qui le soupçonne d’oeuvrer, tel un "honorable correspondant" de la CIA, pour le maintien de l’Empire américain et la consolidation des soutiens atlantistes dans leurs postes respectifs.
Quand le Canard Enchaîné devient l’emblème de l’échec journalistique
De même que Le Monde fut longtemps qualifié de "journal de référence", le Canard demeure le modèle hexagonal de l’enquête journalistique, sans limites ni tabous. Quoique… L’attitude des rédacteurs du célèbre hebdomadaire satirique à l’endroit du 11-Septembre témoigne de l’étendue des dégâts mentaux collatéraux dans la corporation médiatique, y compris dans sa frange supposée "indépendante et corrosive". Suivisme, paresse intellectuelle, lâcheté et ricanements : bienvenue en France.
Et pan sur le bec. Alors que le caneton a fait preuve de talent pour dénicher des secrets d’Etat ou dévoiler, sous la plume de Claude Angeli, les coulisses de la guerre contre le terrorisme, il s’est révélé incapable de dépasser le stade puéril du sarcasme pour envisager autrement le 11-Septembre. Peut-être faut-il y voir un lien avec la méfiance réputée du Canard pour Internet : c’est l’un des rares journaux français à refuser sciemment de développer son site web, purement formel. Ce comportement archaïque, digne d’un réactionnaire qui rejetterait avec dédain toute nouveauté technologique dans la société de l’information, rejoint logiquement l’ignorance du caneton sur les zones d’ombre du 11-Septembre, précisément connues du public grâce à Internet.
A cet égard, en six ans, le Canard n’a pas évolué d’un pouce, si l’on en juge par ce filet publié en avril 2002, au lendemain de l’enquête, à la fois bancale par ses conclusions hâtives mais estimable de par son orientation avant-gardiste, de Thierry Meyssan. Morceaux choisis du caneton ricaneur :
"Bon sang mais c’est bien sûr, il a raison, Thierry Meyssan, le gars qui affirme qu’aucun avion ne s’est écrasé sur le Pentagone ! Et Thierry Ardisson a raison de l’avoir laissé exposer sa thèse en long et en large, dans « Tout le monde en parle » du 16 mars, sans un bémol, sans esprit critique, sans question gênante, gobant tout tel un Jacques Pradel des familles (« Je suis troublé »). Service public avant tout! Et les plus de 100 000 gogos qui, en une semaine, se sont précipités sur son bouquin, écrit en gros caractères, lu en une heure, plein d’annexes, de discours officiels de Bush, mal fichu, ont raison, eux aussi. Car voici l’argument qui tue, et d’ailleurs Meyssan le clame haut et fort: on peut tout vérifier sur Internet ! En effet, à chaque page Meyssan cite des sites, des sites, et encore des sites: voilà donc le premier bouquin d’enquête sans enquête, mais entièrement compilé sur Internet. Et comme chacun le sait, Internet c’est rien que du sérieux ! (…) Quant au 11 septembre, Internet dégorge de révélations plus étonnantes les unes que les autres : aucun des 4 000 Juifs travaillant au WTC n’est allé au travail ce jour-là ; aucun des chauffeurs de taxi musulmans de New York n’était dans le quartier ce jour-là ; on a vu des ovnis dans le secteur au moment des attentats; et une immense image de Lucifer dans les nuées de l’incendie… C’est donc un coup des Juifs, des musulmans, des extraterrestres et de Lucifer ! Futurs auteurs de best-sellers, voici donc la recette imparable : identifiez un événement qui a frappé l’imagination des foules, décortiquez les mensonges officiels (car il y a toujours, évidemment, dans les vérités officielles, des lacunes, des arrangements, des paradoxes, des dissimulations), et remplacez-les par un gros bobard que vous aurez trouvé sur Internet. C’est facile, il n’y a qu’à se baisser !"
Des "gogos" en 2002 au "zozos" de 2008, saluons la laborieuse recherche sémantique du Canard pour disqualifier d’un trait de plume les millions de citoyens usant de leur sens critique pour interroger la nature et la valeur du 11-Septembre.
Et pendant que le sérail parisien se complaît dans sa morgue, qui lui sera tôt ou tard fatale, des journalistes étrangers font leur travail : après la diffusion d’une soirée thématique consacrée au sujet sur la première chaîne russe, voilà qu’une concurrente directe de France 24 , une autre chaîne info internationale anglophone basée à Téhéran, Press Tv, a organisé, depuis Londres, un remarquable débat contradictoire sur les attentats du 11-Septembre, avec un chercheur anglais, une journaliste américaine, une ex-employée des services secrets britanniques (favorable à la réouverture d’une enquête) et un ancien fonctionnaire du ministère de la Défense.
Sur les 37000 journalistes titulaires d’une carte de presse en France, celui qui se risquera à proposer une enquête sérieuse, avec de nouveaux éléments, sur cet épais dossier, devra compter sur la solidarité et la vigilance des citoyens. Les divers moyens de rétorsion ne manqueront pas d’être utilisés à l’encontre du mouton noir qui osera s’aventurer loin du troupeau. Licenciements, brimades, obstructions, relégations, diffamations. Aux yeux des sympathisants néo-conservateurs, toutes les techniques sont justifiables pour casser la pulsion vitale à la base du journalisme : le désir de comprendre et de faire comprendre.
L’enjeu est crucial : il en va de la démystification du 11-Septembre comme de la liberté d’expression en France. Et alors que l’occupation des esprits, mentale et atlantiste, n’a jamais été aussi forte, à l’instar de l’occupation sous Vichy, physique et nazie, les résistants devront se reconnaître afin de s’organiser. En dépit de la masse somnolente.
Ici, la répartie gaullienne s’impose : "en France, sous l’occupation, il y avait 500 000 collabos, 500 000 résistants et 39 millions de veaux", dixit le Général, qualifié alors de "terroriste".
La diabolisation envers toute dissidence sur le 11-Septembre, question politique par excellence, devient plus manifeste, plus violente dans le champ de l’expression médiatique. Face à cette situation, l’acte révolutionnaire consiste à résister, jour après jour, à l’emprise du mythe sacrificiel du 11-Septembre. Quitte à en payer le prix. L’occupation des esprits dure déjà depuis sept ans.
Entre les veaux, le collabos et les résistants, quel camp choisirez-vous?
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