Sara Flounders | |
Longtemps avant le 8 août, date à laquelle les dirigeants de la Géorgie, un pays du Caucase au sud de la Russie, ont attaqué une petite région autonome appelée l’Ossétie du Sud, l’armée américaine était déjà profondément impliquée en Géorgie. Washington n’a rien d’un spectateur innocent dans ces combats sanglants ayant provoqué, de la part de la Russie, une réponse qui, aujourd’hui, domine les informations. | |||
13 août 2008 L’attaque militaire massive et bien organisée menée par la Géorgie a mis en flammes en quelques heures la ville de Tskhinvali, capitale de l’Ossétie du Sud, détruisant le siège du parlement, l’université et le principal hôpital. Selon des interviews de survivants recueillies par AP, il est difficile de trouver encore un seul bâtiment qui n’ait pas été endommagé. Eduard Kokoity, le dirigeant de l’Ossétie du Sud, a estimé que plus de 1.400 civils avaient été tués lors de l’offensive. (Reuters, 8 août) Les forces militaires russes ont alors riposté contre les bases militaires et les champs d’aviation de la Géorgie, ainsi que contre son principal port sur la mer Noire, Poti. La plupart des informations publiées en Occident ont toutefois été déformées afin de créer l’impression que c’est la Russie qui a déclenché ce conflit avec la Géorgie. Parmi les centaines d’articles récents publiés à ce propos, nombreux sont ceux qui détaillent l’importance de la Géorgie en tant que lieu de transit stratégique pour le pétrole et le gaz naturel en provenance de la mer Caspienne. Mais il est rarement fait mention, par contre, des rapports que ce conflit peut avoir avec les autres manœuvres américaines dans cette région stratégique. Même si la Russie est préoccupée par une guerre à sa frontière et si l’attention mondiale est aujourd’hui concentrée sur l’Ossétie du Sud, l’administration Bush a envoyé deux nouvelles escadres de navires de guerre de l’US Navy dans les mers proches de l’Iran. Une armée géorgienne armée et entraînée par les États-Unis Washington ne revendique pas la paternité de l’invasion de l’Ossétie du Sud décidée par le président géorgien Mikheïl Saakachvili, surtout maintenant que les troupes de ce dernier ont subi une raclée. Les routes de retour à la capitale de la Géorgie, Tbilissi, sont parsemées de chars et d’autres véhicules militaires abandonnés par les soldats géorgiens dans leur précipitation panique à vouloir regagner leurs foyers. (BBC News, 12 août) Mais, au moment de l’invasion, la Maison-Blanche avait annoncé clairement son soutien politique à Saakachvili et, par ailleurs, la Géorgie est la proche alliée de l’armée américaine dans sa guerre en Irak. Les États-Unis et l’Otan ont lourdement armé et entraîné les troupes géorgiennes. Il y a des « conseillers » militaires américains aujourd’hui en Géorgie. Un millier de marines américains (du 3e Bataillon du 25e Régiment des Marines) viennent précisément d’y terminer trois semaines de manœuvres communes sous le nom de « Opération réponse immédiate ». Dans la période qui a précédé l’agression de la Géorgie contre l’Ossétie du Sud, le Pentagone a équipé la Géorgie de centaines de chars, de véhicules blindés, de pièces d’artillerie et de lance-roquettes, de douzaines d’hélicoptères de combat et de systèmes de lance-missiles antiaériens. Des centaines d’autres systèmes d’armement ont également été déversés en Géorgie, provenant d’autres membres de l’Otan et d’Israël. (Interfax, 7 août) En échange, la Géorgie a apporté la troisième force militaire en importance dans l’occupation américaine de l’Irak. Mais, le 10 août, les États-Unis ont commencé à faire sortir de l’Irak les 2.000 militaires géorgiens afin de les acheminer vers la zone de conflit en Géorgie. En même temps que les « conseillers » et les troupes américaines envoyés pour les manœuvres, des mercenaires et des entraîneurs militaires privés, d’origine américaine, sont à pied d’œuvre en Géorgie. En outre, des dizaines de milliers d’agents de la « société civile », de consultants internationaux, de spécialistes de la police et d’assistants techniques opèrent également en Géorgie, en Ukraine et dans d’autres anciennes républiques soviétiques. L’Otan est divisée, à propos de la Géorgie L’Otan, une alliance de puissances militaires impérialistes dominée par les États-Unis, a été divisée, à propos des demandes d’expansion émises par Washington. Le sommet de l’Otan, du 2 au 4 avril à Bucarest, en Roumanie, a failli se terminer prématurément par une rupture en raison des propositions provocatrices de Washington. Les États-Unis réclamaient la poursuite de l’expansion de l’Otan vers l’est, afin d’y incorporer l’Ukraine et la Géorgie, deux pays qui ont naguère fait partie de l’Union soviétique et qui sont tous deux limitrophes de la Russie. En dépit d’une très forte opposition populaire en Pologne et en République tchèque, l’armée américaine a également tenté de faire passer un plan destiné à installer des systèmes anti-missiles dans chacun de ces deux pays, créant ainsi une menace supplémentaire pour la Russie. Lors de la réunion de Bucarest, l’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg se sont fortement et ouvertement opposés aux demandes de Bush concernant l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Otan. Certains de ces gouvernements ont déclaré qu’ils éprouvaient des appréhensions à propos de la reconnaissance par les États-Unis de la sécession du Kosovo vis-à-vis de la Serbie. Cette sécession était une violation directe des accords des Nations unies. Tout comme l’étaient les conditions imposées par les États-Unis à la Serbie dans l’accord de cessez-le-feu de 1999, qui avait mis fin aux bombardements de terreur de l’Otan contre la Yougoslavie. L’Otan a reporté à décembre sa décision quant au statut de la Géorgie et de l’Ukraine. Mais Washington a refusé d’attendre jusqu’à cette prochaine réunion de l’Otan en décembre. La secrétaire d’État américaine, Condoleezza Rice, s’est rendue en visite en Géorgie le 10 juillet et elle a réitéré avec insistance le soutien américain à la Géorgie dans le cadre de l’intégration de cette dernière dans l’Otan. L’expansion de l’Otan Depuis 40 ans, l’alliance militaire qu’est l’Otan est formée de pays impérialistes, industrialisés et riches, dont la prospérité provient d’un pillage colonial perpétré durant des générations. Il s’agissait essentiellement d’une alliance antisoviétique destinée à faire cesser l’expansion des révolutions socialistes en Europe. L’Otan a utilisé sa puissance militaire, le chantage nucléaire, le sabotage économique, l’espionnage et la terreur afin de protéger et développer la richesse des entreprises privées de ses membres. Se servant de la guerre de 1992-1999 contre la Yougoslavie pour justifier son expansion et son intervention, l’Otan est aujourd’hui passée de 16 membres avant cette guerre à 26 membres et 38 nations dans quatre accords de « partenariat » différents, comme s’en est vanté le général canadien Ray Henault, secrétaire de la Commission militaire de l’Otan, dans son rapport d’avril dernier. L’Otan a étendu son champ d’intervention bien au-delà de sa zone originale, l’Atlantique Nord, jusqu’en Europe de l’est, en Afrique et en Afghanistan. Nombre des nouveaux membres et « partenaires » de ce bloc militaire sont d’anciens pays socialistes de l’Europe de l’Est et de l’ancienne Union soviétique qui se sont mués en mini États « satellisés », en ce sens qu’ils ne sont ni plus ni moins que des colonies économiques de l’impérialisme européen et américain. Toutefois, la restauration de la propriété privée capitaliste sur les ressources et la production de cette vaste région du globe n’a pas apaisé l’impérialisme américain, qui perçoit également comme une menace la concurrence du développement capitaliste de la Russie. Le pouvoir des entreprises américaines est déterminé à ne permettre que la présence de sujets coloniaux dépendants. Tout pays cherchant à contrôler lui-même le développement de ses propres ressources, quel que soit son système social, est visé. C’est aussi vrai pour la Russie que pour l’Iran, la Chine ou le Venezuela. Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, le pouvoir des entreprises américaines a tenté d’instaurer son contrôle sur les vastes ressources énergétiques de l’Asie centrale et des nations de la région du Caucase, de la mer Caspienne et de la mer Noire. Via l’expansion militaire de l’Otan, le Pentagone a cherché à encercler la Russie. Chaque fois, les entreprises américaines ont utilisé les agences américaines de renseignements et les organisations non gouvernementales dont le siège est aux États-Unis pour manipuler de façon cynique les antagonismes, tensions et revendications nationalistes se manifestant un peu partout en Europe de l’Est, dans les Balkans et dans les anciennes républiques soviétiques. Le statut de l’Ossétie Pendant 70 ans et bien qu’elle fût entourée de trois côtés par la Géorgie, l’Ossétie du Sud a bénéficié du statut d’oblast (région) autonome au sein de la Fédération soviétique. Sa population est de 70.000 habitants. La république voisine de l’Ossétie-du-Nord-Alanie a conservé son statut de république autonome au sein de l’actuelle Fédération russe. Les Ossètes ont une langue distincte, apparentée au perse, et une culture propre. Les écoles, les maisons d’éditions et les théâtres ont contribué à préserver la nationalité ossète au sein de l’Union soviétique. Avec l’effondrement de la planification socialiste en Union soviétique, la solidarité socialiste entre les nations constituant cette dernière s’est désagrégée aussi. Le marché capitaliste a amené le chaos et un bouleversement qui ont très durement frappé les petites nationalités au moment même de la disparition de l’Union soviétique. Des gangs rivaux de « privatiseurs » cherchant à s’emparer coûte que coûte de la propriété détenue par la nation ont alors alimenté et manipulé les sentiments nationalistes. Les autorités réactionnaires et procapitalistes de la Géorgie ont brusquement aboli le statut d’autonomie et les droits de l’Ossétie du Sud et ont annexé la petite nation, tout comme ils l’avaient déjà fait avec l’Abkhazie, une autre petite nation autonome stratégiquement située sur la mer Noire et bordée à l’est par la Géorgie. Dans le conflit qui en a résulté, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie ont chacune proclamé leur indépendance de la Géorgie en 1991. Ceci a abouti à une impasse de 17 ans, avec les « garants de la paix », tant géorgiens que russes, stationnés en Ossétie du Sud. La dernière attaque géorgienne a mis fin à l’impasse via une tentative d’annexion pure et simple. De la même façon, l’Abkhazie a proclamé son indépendance vis-à-vis de la Géorgie. L’attaque militaire de cette dernière contre l’Ossétie du Sud pouvait tout aussi bien déborder en une attaque contre l’Abkhazie. Étant donné l’ampleur de l’opération et l’influence active des forces américaines en Géorgie, il est difficile de croire que Washington aurait pu ne pas être informé de la décision de Saakachvili de lancer une guerre totale contre l’Ossétie du Sud. Au Conseil de sécurité des Nations unies, les représentants américain et britannique ont bloqué un projet de résolution présenté par les Russes et demandant à la Géorgie et à l’Ossétie du Sud de déposer immédiatement leurs armes. Les États-Unis ont rejeté la déclaration en trois phrases qui aurait exigé des deux camps de « renoncer à l’usage de la force ». C’était une confirmation manifeste du soutien américain à la poursuite de « l’usage de la force » par la Géorgie contre la minuscule nation ossète. Toutefois, la Russie est parvenait à repousser l’invasion géorgienne de l’Ossétie du Sud. Et, le 13 août, la Géorgie et la Russie acceptaient un « plan de paix » concocté par le président français Nicolas Sarkozy. Saakachvili est déjà occupé à critiquer l’Occident en général et l’administration Bush en particulier pour n’être pas venu à son secours, ce qui indique que cette marionnette de Washington, qui a longtemps été avocat à New York avant d’être bombardée comme homme politique en Géorgie postsoviétique, peut croire qu’elle avait eu le feu vert de ses maîtres impérialistes pour se livrer à une agression téméraire, aussi bien contre les Russes que contre les Ossètes de cette petite région autonome. Source: http://www.workers.org/2008/world/south_ossetia_0821/ Traduction en français : Jean-Marie Flémal, pour Investig’action.
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1 commentaire:
enfin... il fallait bien que ce soit dit clairement quelque part! merci
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